dim. Juin 30th, 2024
Dans un communiqué publié le 19 juin 2024, l’ancien Ministre Marafa Hamidou Yaya, 71 ans, dément avoir reçu de la Présidence camerounaise une proposition de faire venir un plateau technique et des médecins turcs pour que les soins appropriés lui soient prodigués dans un hôpital sur place, concernant sa santé visuelle qui nécessite son évacuation à l’étranger pour une prise en charge adéquate.
« Cette information est fausse.» « Les spécialistes camerounais, y compris ceux du Cameroun Eye Institute de l’hôpital ophtalmologique d’Oback, ainsi que des experts étrangers, ont établi que je souffre d’un glaucome bilatéral extrêmement sévère », affirme ce dernier.
L’ex baron du régime déclare également qu’il a déjà perdu totalement la vision de son œil droit et qu’il a très peu de vision restante dans son œil gauche. De plus, il souffre d’une pression intra-oculaire extrêmement élevée malgré un traitement médical maximal. Sans intervention immédiate, il perdra totalement la vue et pourrait nécessiter l’ablation de ses globes oculaires pour soulager des céphalées violentes, écrit encore l’ancien Ministre d’Etat, Secrétaire Général de la Présidence de la République.
Il affirme en outre avoir adressé des courriers au Président de la République le 20 octobre 2021, puis le 21 janvier 2022, le 26 mai et 31 juillet 2023, pour lui faire part de la dégradation de son état de santé, et souligne n’avoir jamais rejeté l’idée d’être pris en charge au Cameroun par des médecins turcs, non sans dénoncer au passage les tortures dont il fait l’objet.
Le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies avait saisi le Gouvernement Camerounais le 15 mars 2022, pour lui demander de permettre à l’ex ministre d’accéder immédiatement à des soins spécialisés adéquats.
Il convient d’indiquer que la détention provisoire ou la condamnation définitive d’une personne à la prison ferme, ne la prive en théorie que de sa liberté d’aller et venir, même si en pratique cela a des conséquences sur l’exercice des autres droits et libertés qui lui sont reconnus.
Le droit à la santé est un droit universel reconnu à tout être qui appartient à l’espèce humaine indépendamment de la situation dans laquelle il se trouve.
En ce qui concerne les personnes privées de liberté, il revient en premier à l’institution qui les détient de leur fournir des soins médicaux appropriés.
Ce n’est malheureusement pas souvent le cas à cause des moyens limités de l’Etat qui peine même déjà à offrir des soins de qualité à toutes les couches de sa population en situation normale.
Il se trouve que les anciennes pontes du régime embastillées dans le cadre de la vaste opération de lutte contre la corruption et les détournements de deniers publics, baptisée par la presse « opération épervier »,ont généralement des moyens financiers conséquents pour pouvoir se faire mieux soigner dans des hôpitaux à l’étranger qui disposent des plateaux techniques adéquats.
Mais le pouvoir est de plus en plus retissent et ne leur donne pas toujours la possibilité de le faire, parce que les dernières évacuations sanitaires autorisées des personnalités en indélicatesse ou dans le viseur de la justice, se sont transformées en « quasi-évasions » de ces dernières.
Les Camerounais sont par exemple sans nouvelles ou presque de l’ancien Directeur Général de la compagnie nationale aérienne Cameroon Airlines (Camair), Yves Michel Fotso, évacué depuis le 19 août 2019 vers le Maroc pour y subir les soins.
Il était alors incarcéré depuis décembre 2010 à Yaoundé et condamné à plusieurs lourdes peines de prison pour des faits de détournements de l’argent public.
Idem pour l’ex Premier Ministre Ephraim Inoni, bénéficiaire d’une évacuation sanitaire en Allemagne depuis octobre 2019. Interpellé le 17 avril 2010, il est au Cameroun sous le coup d’une condamnation de 20 ans de prison ferme pour détournements de fonds publics.
Quant à l’ancien Ministre des Finances, Essimi Menye, son évacuation sanitaire vers les Etats-Unis d’Amérique a été autorisée le 01er décembre 2015, pendant qu’il se trouvait en « quasi garde à vue » depuis plusieurs semaines dans un hôpital de la capitale.
Le mandat d’arrêt émis ensuite contre lui par les autorités camerounaises le 14 mars 2017, n’a jamais été exécuté.
Interpellé depuis 2012 puis condamné à 25 ans de prison ferme par la justice pour complicité intellectuelle de détournement des derniers publics, le pouvoir probablement craint qu’une évacuation sanitaire à l’étranger de Marafa Hamidou Yaya, dernière personne encore en prison dans le cadre de son affaire, se transforme en sa libération pure et simple, longtemps réclamée par plusieurs instances et personnalités internationales qui le considèrent comme un prisonnier politique.
C’est à peu près la même situation pour Amadou Vamoulké, ancien patron de l’audiovisuel public, arrêté et privé de liberté depuis juillet 2016. Ce dernier souffre d’un grave mal de nerf qui nécessite son évacuation à l’étranger pour y recevoir des soins appropriés selon ses médecins. Certaines personnalités et organisations internationales comme Reporters Sans Frontières (RSF), le considèrent aussi comme un prisonnier politique et réclament sa remise en liberté.
Au demeurant, l’Etat se doit d’assurer le droit à une santé de qualité à l’ensemble de sa population, y compris celle carcérale.
Afin d’éviter les évacuations sanitaires à l’étranger et éventuellement empêcher au passage la fuite des personnes condamnées ou susceptibles de l’être, il faut simplement doter les hôpitaux du pays des plateaux techniques appropriés et du personnel de santé qualifié.
Toutefois, cela n’empêche pas de procéder à un certain degré, comme dans de nombreux systèmes judiciaires du monde, à la libération pure et simple de toute personne privée de liberté pour des raisons humanitaires de santé.

Eric Boniface Tchouakeu

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